Tout feu, tout flamme
Dans le cadre du Pacte capacitaire, l’État a prévu une harmonisation des véhicules incendie des SDIS (Services départementaux d’incendie et de secours) à l’échelle nationale. À l’appel d’offres, le carrossier Gallin a proposé deux modèles de Camion-citerne feux de forêt super (CCFS) carrossés sur des châssis Scania de 26 t ou 32 t. Du matériel Scania-Gallin de haute sécurité.
Été 2022, la Gironde est en feu ; malgré la mobilisation nationale en renforts matériels et humains, les interventions se sont avérées complexes pour les soldats du feu. Yves Crappeel, responsable commercial véhicules sécurité civile du carrossier Gallin, raconte : « Les véhicules incendie mobilisés, en provenance des différents départements de France, étaient hétéroclites avec des niveaux de performance et de sécurité si différents qu’il a été difficile d’organiser les opérations sur le terrain. »
À l’heure du bilan, observant un réel manque de ressources pour faire face aux grands incendies forestiers, l’État a proposé le Pacte capacitaire en vue d’uniformiser les moyens des SDIS : « 150 millions d’euros ont été mis sur la table sur trois ans pour leur permettre d’acquérir des équipements et véhicules de lutte contre les feux de forêt. Il s’agit du premier programme de cette ampleur en France, avec la production en série de véhicules incendie sur des standards prédéfinis et identiques. Traditionnellement, chaque SDIS choisit et définit ses véhicules tout en respectant le cadre de la norme incendie concernée », explique-t-il.
Pour ce carrossier spécialiste des véhicules incendie basé dans la banlieue lyonnaise, il a non seulement apporté son expertise à la rédaction du référentiel, mais aussi répondu, dans un second temps, à l’appel d’offres. « Notre étude a reposé sur ce qui pouvait se faire de mieux. Nous avons interrogé Scania qui, dès le départ, a montré son envie de travailler sur le sujet », ajoute-t-il. Aucun compromis sur la qualité et une étude étayée sur des atouts techniques probants. « Notre proposition a été retenue sur la première phase du Pacte capacitaire qui concerne 34 SDIS et la commande de 56 véhicules CCFS, dont 49 châssis Scania, 28 véhicules de 26 tonnes et 21 véhicules de 32 tonnes », annonce-t-il, montrant derrière lui les carrossages des châssis en configuration 6x4 et 8x4, ainsi que quatre châssis 6x6.
Des CCFS pour les services d’incendie
À l’entame de cette démarche à l’échelle nationale, fin 2022, il s’agissait pour la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), dépendante du ministère de l’Intérieur, de définir un groupe de véhicules adaptés aux interventions sur feux de forêt et d’en équiper les SDIS. Deux typologies de véhicules lourds (en plus des légers) sont ainsi ressorties pour composer ces bataillons d’attaque : les Camions-citernes feux de forêt moyens (CCFM), des véhicules capacitaires allant au contact du feu, et des Camions-citernes feux de forêt super (CCFS), de forces supérieures par leur gabarit et poids, équipés de pompes puissantes pour soutenir les CCFM par une capacité d’attaque massive supplémentaire et éventuellement un approvisionnement en eau de ces derniers. Une fois la définition des véhicules établie, la DGSCGC a confié à l’UGAP (Union des groupements d’achats publics) la partie achats en 2023.
« Nous avons collaboré avec Scania sur la seconde catégorie de camions pour des véhicules pouvant transporter, en conditions extrêmes, jusqu’à 13 000 litres d’eau, et capables de résister à la chaleur et, bien sûr, de protéger les occupants », insiste Yves Crappeel. Le cahier des charges indiquait une motorisation de 400 ch minimum ; « nous avons orienté notre choix sur le moteur 13 litres de 410 ch et 450 ch de la gamme XT de Scania avec un ralentisseur hydraulique renforcé de 4 700 Nm qui permet aux plus lourds, les 32 tonnes, de descendre une pente jusqu’à 35 % », poursuit-il. « Ce profil tout-terrain est adapté aux théâtres d’opérations forestiers avec châssis renforcé, pare-chocs en métal, feux protégés par des grilles, et surtout, le châssis haut qui optimise les angles d’attaque du véhicule », confirme Vincent Durnerin, directeur du SPAD (Scania Public and Defense), la division de Scania France spécialisée dans l’adaptation des véhicules pour les forces armées et secours-incendie.
Collaborer avec le SPAD
Le SPAD a travaillé avec Gallin pendant huit mois. Aucun détail ne devait être négligé tant ces camions-citernes seront mis à rude épreuve, passage de gué, ornières, avec des contraintes de déformation importantes sur les aciers des châssis. « Tout cela a été analysé par notre bureau d’études, d’autant que nous disposons de l’expérience avec les véhicules armés », rappelle Nicolas Gatineau, chargé du développement commercial au SPAD.
« Scania a été très proactif. Les équipes nous ont ouvert toutes les portes, qu’il s’agisse du choix des longerons, des cabines et de leur homologation ou des adaptations diverses liées à la particularité des véhicules incendie », explique Mickaël Delhome, membre du bureau d’études chez Gallin, et son collègue d’ajouter, « et ce n’est pas le cas de tous les constructeurs ! » Pour ce carrossier qui équipe la grande majorité des Sdis en France depuis les années 1980, son savoir-faire historique s’appuie aussi sur un bassin de main-d’œuvre avec des métiers spécifiques intégrés à l’atelier comme la chaudronnerie ou la tuyauterie. « Ce sont des orfèvres ! Ici, à l’atelier, il y a 15 métiers différents ! », s’exclame Yves Crappeel. « Nos expertises réciproques ont vraiment permis de bien mener ce dossier », rebondit le chargé du développement commercial au SPAD. Et comme de nombreux pompiers sont aussi militaires, le directeur du SPAD complète : « Nous disposons de cette connaissance sur la compréhension des marchés et des applications des véhicules défense évoluant en conditions extrêmes, très analogues à ceux du Pacte capacitaire. »
« Pompiériser » les châssis
« Un autre objectif du ministère de l’Intérieur était de consolider la filière industrielle en France à travers ce dossier. Scania et Gallin sont des acteurs nationaux majeurs avec, respectivement, une usine d’assemblage à Angers et un atelier d’assemblage à Lyon », spécifie Yves Crappeel. Du politique aux études, il s’agissait aussi de « pompiériser » un châssis destiné à la route. « Financièrement, le prix était atteignable, notamment grâce aux cabines de série Scania qui sont nativement conçues sur des normes de sécurité élevées (voir encadré) », complète-t-il. Avec un double avantage pour le carrossier : économiser sur l’installation d’arceaux de protection, soit un mois de travail en atelier sur une cabine, et offrir plus d’espace intérieur aux occupants. Dans le cadre de cette collaboration entre Gallin et Scania, l’intervention du constructeur sur certaines protections techniques a également eu son effet, par exemple le gainage thermique des châssis réalisé au SPAD par les techniciens Scania.
« Les organes sensibles du châssis et les équipements sont mis sous protection thermique résistant à 800 °C, au-delà de la norme attendue par le référentiel. Nous connaissons nos châssis, l’argument a été apprécié par Gallin », rappelle Vincent Durnerin. Des détails techniques comme le troisième siège rehaussé qui a nécessité une habilitation spécifique réalisée par le SPAD, le choix de housse de protection résistante, l’installation de poignées cabine sans fragiliser la structure, la protection des organes vulnérables tels que le coffrage métallique du réservoir AdBlue, les capots de protection des organes et composants du châssis exposés aux chocs… Ce travail dans le détail mené sur les châssis confère à ces CCFS une résistance et une robustesse hors pair, en plus du carrossage qualitatif signé Gallin ; aux études, chaque kilo a compté, le choix des équipements a été très précis, qu’il s’agisse des pompes électriques, d’opter pour des cuves en inox plutôt qu’en acier, de la technicité aboutie de ces « Super » : « Cette collaboration est une très belle expérience qui donne envie de continuer. Ce sont des véhicules qui, à l’image d’un Scania, seront durables dans le temps », s’enthousiasment Yves Crappeel et Vincent Durnerin.