De l’élevage au biogaz : un modèle pionnier
Pour faire face aux crises de la filière laitière, la holding agricole fondée par trois frères, Bertrand, Patrice et Thierry Guérin, a intégré la méthanisation à l’exploitation de la ferme familiale. En produisant du biogaz à partir des déchets d’élevage, ils alimentent leur tracteur, leurs véhicules légers, ainsi qu’un porteur Scania 6x4 de 410 ch gaz polybenne dédié au transport de déchets organiques agricoles.
Bienvenue dans le Périgord pourpre, région à la géographie escarpée, aux paysages remarquables où les parcelles cultivées alternent avec les fermes et hameaux éparpillés de-ci de-là. Sur l’un des monts dordognais, à Clotte, un Scania 6x4 de 410 ch gaz est posté devant une unité de méthanisation et une grande étable. « Notre ferme comprend un cheptel de 100 vaches laitières, des parcelles agricoles pour nourrir les bêtes, quelques hectares de production de châtaignes et de noix. Et puis, des unités de méthanisation », explique Thierry Guérin, éleveur et cofondateur de la holding familiale, dont Mach Farm, une société de location de matériel et de réalisation de travaux agricoles. La ferme a pris un nouveau virage en 2011, quand les trois frères Thierry, Bertrand et Patrice Guérin ont complété leur activité agricole par un projet de méthanisation.
« La première unité a été installée ici juste derrière la ferme. Une seconde a été construite plus récemment en 2024, en association avec d’autres éleveurs. Finalement, cela fait plus de 10 ans que nous avons la tête dans le gaz ! », sourit l’aîné de la fratrie. Au centre de leur proposition agricole, le trio a investi dans un porteur Scania gaz 6x4 tout terrain de 410 ch dédié au transport agricole : « Il sillonne la région pour faire des ramasses de déchets issus des exploitations et des industries agroalimentaires, qui viendront nourrir, en plus de nos propres ressources, les méthaniseurs », ajoute-t-il. Au volant du Scania G 410 6x4 gaz, Albéric Guindre, le conducteur et salarié de l’exploitation familiale, a organisé sa journée. « Je dois aller chercher un stock de déchets agricoles chez un éleveur, mais aussi des déchets d’usines agroalimentaires de la région », commente-t-il, tandis qu’il termine l’avitaillement en gaz de son Scania. « Il ne roule qu’avec le gaz produit par les unités de méthanisation, toutes deux équipées d’une station GNV », complète-t-il fièrement.
D’éleveur à éleveur-méthaniseur
Tandis que le Scania quitte la ferme, avalant les routes pentues de la région, Thierry Guérin revient sur le récit familial : « Dans les années 2000, la filière laitière a rencontré des crises extrêmes. À cette époque, les revenus de l’élevage ne couvraient pas l’activité, nous avons connu la misère, la vraie, et il nous fallait trouver des solutions. La première était d’arrêter notre activité, la seconde de nous inspirer de ce qui se faisait ailleurs, en Allemagne ou en Suisse, où nous avions entendu parler de méthanisation », se remémore-t-il. Les trois frères partent s’inspirer outre-Rhin de modèles agricoles alternatifs. Ils conçoivent alors un premier projet qui ne convainc pas les banques : « Il y avait une méconnaissance totale du sujet en France », se souvient-il. La fratrie devra attendre le plan biogaz de l’État en 2009 pour enfin trouver des soutiens financiers et institutionnels, notamment de l’ADEME.
Ainsi, en 2011, la première unité de méthanisation sort de terre à Clotte. Le principe est simple : utiliser les effluents du troupeau (lisiers et fumiers) et d’autres déchets organiques afin de produire par fermentation de l’énergie du biogaz, majoritairement transformé en électricité. En fin de transformation bactérienne, un résidu, le digestat, est récupéré et utilisé en épandage pour les cultures agricoles qui servent à nourrir le troupeau de 100 vaches, et, entre deux saisons, à la culture des CIVE (culture intermédiaire à vocation énergétique). Plutôt que de laisser les terres à nu, comme le faisaient les anciens, ces CIVE constituent un couvert végétal qui stocke le carbone en hiver. Cette culture permet de maintenir l’activité biologique des sols et d’approvisionner, après récolte au printemps, les unités de méthanisation. Le modèle est vertueux et s’inscrit dans un circuit court. « Au lieu d’une molécule fossile extraite des ressources terrestres, ces biomolécules produites en moins d’un an utilisent la biomasse », reprend Thierry Guérin. Pour aller encore plus loin, la famille a aussi entrepris d’importants travaux pour utiliser la chaleur produite par la transformation du biogaz en électricité : « Elle est devenue source de chauffage pour la ferme et le hameau voisin », ajoute Patrice Guérin, le frère cadet et responsable de l’unité de méthanisation de Clotte.
Travailler en famille avec Scania
Lorsque les frères Guérin reprennent la ferme familiale, le troupeau est composé de 30 bêtes. Aujourd’hui, il en compte 100 dans l’étable avec une production laitière entièrement automatisée, de la traite des vaches au raclage des effluents pour alimenter l’unité de méthanisation. Les trois frères ont été rejoints par trois de leurs enfants. Ainsi, sur les onze salariés que compte l’exploitation, six sont associés et liés par le sang… C’est ce que l’on appelle une affaire de famille, qui n’a eu de cesse d’innover, de se développer dans la solidarité, et où perdurent l’esprit paysan et ses valeurs : travailler dans la durée.
Une seconde unité de méthanisation, en association avec d’autres éleveurs et agriculteurs, a vu le jour en 2024. « Cette nouvelle usine portée par la SAS Borie Verte produit du biogaz réinjecté dans le réseau gaz, ainsi que du bio GNV en autoconsommation pour nos véhicules légers, notre camion qui avitaille en biodéchets les unités, mais aussi un tracteur gaz qui travaille aux champs », insiste Mathieu Guérin, fils de Patrice et gérant de la SAS Borie Verte. Si la famille avait le souhait d’intégrer la partie transport à son activité à moyen terme, un échange avec William Jean, commercial Scania Aquitaine, a rapidement conforté leur décision. « Nous avions en stock un porteur gaz qui correspondait à leur besoin. Il était en carrossage chez Guima. On a parlé du produit, on est allés le voir, ils ont été convaincus », explique William Jean. « Comme 40 % du prix du transport porte sur le carburant, avec un camion en propre alimenté par un gaz autoproduit, c’est du bénéfice économique et un argument commercial », relève Thierry Guérin.
En effet, les méthaniseurs sont approvisionnés à 60 % par les effluents d’élevage, mais 40 % des matières proviennent de l’extérieur. « Il y a un véritable enjeu sur le sourcing et l’achat des déchets organiques où notre modèle vertueux sur l’empreinte carbone nous différencie », souffle-t-il. Depuis maintenant un an, le conducteur, Albéric Guindre, roule en Scania. « Le poste de conduite est ergonomique et le confort Scania est très appréciable… Tout est pensé pour le confort du chauffeur ! », lance-t-il. Argumentant sur la robustesse des Scania, il souligne aussi la réactivité de l’atelier d’Agen où le véhicule est entretenu, et confie même : « J’ai quitté une entreprise de transport de marchandises pour cette société familiale. Ici, je me sens entendu, on est dans le partage et la discussion, l’avis de tous est pris en compte. C’est une entreprise qui évolue en permanence, où l’on se sent bien, avec de bonnes conditions de travail. » Tandis qu’Albéric termine ses tours, le porteur de 410 ch gaz tire aussi son salut, déposant avec son bras la benne de biodéchets de maïs, de l’énergie en devenir.
Trois questions à
William Jean, Commercial Scania Aquitaine
Comment avez-vous rencontré la famille Guérin ?
J’ai d’abord été sollicité par Thierry Guérin qui savait que Scania proposait des véhicules au gaz. J’ai ainsi découvert l’univers de l’élevage, un métier et des valeurs solides. Leur choix, c’était le gaz parce qu’ils le produisent et que cela répond à un modèle de gestion : rouler au biogaz pour transporter des biodéchets qui serviront à produire le carburant.
En quoi le véhicule a-t-il répondu aux besoins de la famille ?
Thierry Guérin recherchait un porteur polybenne doté d’une cabine simple, sans couchette. Au-delà du travail pour lequel il allait être assigné, ce porteur disposait de deux essieux moteurs nécessaires pour faciliter l’accès aux champs, l’hiver, dans des conditions difficiles. Le système de blocage du Scania permet de faire tourner les huit roues en même temps pour se sortir de tout faux pas.
Que dire des relations entre Scania et la famille Guérin ?
Initialement, Thierry Guérin prévoyait l’achat d’un porteur pour l’année suivante. Mais comme ce véhicule était disponible immédiatement, la vente a été signée. La famille semble intéressée par un deuxième véhicule… Je crois que ce sont des clients qui, à l’image du monde agricole, savent s’inscrire dans la durée. Il y a des points communs avec Scania !
Le biogaz, comment ça marche ?
La méthanisation consiste en un processus biologique naturel de fermentation qui, sous l’action bactérienne, va transformer en 45 ou 90 jours (selon les unités) les déchets organiques – effluents d’élevage, CIVE, déchets des industries agroalimentaires – en digestat, une matière sèche résiduelle employée pour l’épandage. Au cours du processus, du biogaz va être produit et capté en continu. « L’unité de Clotte est directement rattachée à notre exploitation animale où sont récupérés l’ensemble des effluents du troupeau. Cette matière organique sert de “nourriture” à l’unité », explique Patrice Guérin, responsable de l’unité de Clotte.
Le biogaz est transformé à 90 % en électricité et la chaleur produite par cogénération est utilisée comme chauffage « Pour notre ferme et les quelques habitations du hameau », précise-t-il. Depuis deux ans, une partie du biogaz sert de biocarburant pour la consommation des véhicules de l’exploitation (véhicules légers, poids lourd, tracteur gaz). Sur le second site, le modèle est différent : « Nous avons créé une association d’agriculteurs qui alimentent l’unité avec leurs biodéchets. Le biogaz produit est réinjecté à 98 % dans le réseau gaz, en conservant aussi une partie du biocarburant pour nos propres besoins », annonce Mathieu Guérin, directeur de l’unité. La molécule de biogaz produite par méthanisation est « verte », car neutre en carbone, à la différence d’une molécule de gaz fossile.
Méthaniseur, un métier paysan
Au-delà des investissements engagés par la famille Guérin dans la méthanisation, la fratrie défend un modèle agricole, celui d’éleveurs-méthaniseurs. « Si le modèle est aujourd’hui repris et copié, certains énergéticiens viennent nous faire de l’ombre, insiste Bertrand Guérin, un des fondateurs de la holding familiale et vice-président de l’AAMF*. Or, il y a le savoir-faire agricole du métier de méthaniseur, parce que l’énergie renouvelable est dans les champs et parce que la méthanisation, c’est du vivant. Ces unités requièrent sept jours sur sept la même attention permanente qu’un troupeau. Et ça, nous savons faire ! » Utiliser le pouvoir méthanogène des déchets, suivre les courbes de dégradation de la matière, mettre les mains dans le digestat en cas de problème…
« Tout cela passe par la gestion des astreintes, la précision sur les températures de chauffe, la diététique des unités… Ce sont des compétences d’éleveur », ajoute-t-il. Rappelant certaines critiques qui estiment qu’une parcelle agricole doit servir uniquement à nourrir les populations, Bertrand Guérin argumente : « Comme les anciens, nous proposons un modèle pensé autour et pour le troupeau. Il n’est pas aberrant de consacrer 20 % de la production agricole à la production d’énergie, comme dans le cas des CIVE. Nos grands-parents utilisaient 17 % de la surface cultivée pour nourrir les bœufs de trait, les tracteurs à l’époque ! »
* Association des agriculteurs méthaniseurs de France.
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